Comprendre les modèles économiques des revues scientifiques

4 - Regroupements d’abonnements, ou big deals

L’accroissement du coût annuel de l’abonnement aux revues scientifiques a amené les bibliothèques académiques, dont le budget d’acquisition est limité, à supprimer certains abonnements. Cela a conduit les éditeurs commerciaux à augmenter le coût des abonnements aux revues les plus prisées pour maintenir leurs revenus. Cette inflation des coûts a entraîné encore plus de suppressions d’abonnements par les bibliothèques.

C’est pourquoi, depuis la fin des années 1990, les éditeurs proposent le regroupement de revues dans des bouquets (d’une dizaine de revues à plusieurs milliers) à prix réduit (par rapport à un abonnement revue par revue) pour une durée d’abonnement prédéfinie de 3 ou 4 ans généralement, assorti de contrats de licence spécifiques. Ces bouquets incluent aussi des revues très spécialisées qui ne pourraient pas survivre en dehors de ce système. Côté éditeurs, ce système de bouquets a permis de stabiliser et même d’augmenter leurs ventes. Côté bibliothèques, cela a permis de planifier leurs dépenses d’abonnement en anticipant l’augmentation des prix sur la durée de l’abonnement.

Les regroupements d’abonnements dans des bouquets de revues avec rabais sont appelés « big deals ». Les cinq plus importants éditeurs initiateurs de big deals sont Elsevier, SpringerNature, Taylor & Francis, Wiley, et l’American Chemical Society (ACS). En 2018, ces big deals représentaient une dépense de 726 millions d’euros en Europe avec une augmentation annuelle de 3,6 % en moyenne. Entre 2017 et 2018, le Groupe RELX propriétaire d’Elsevier affichait une augmentation de 6 % de son bénéfice d’opération corrigé, celui-ci atteignait 2,3 millions de livres sterling en 2018.

Le marché des big deals se révèle inéquitable pour deux raisons : il n’est pas accessible aux budgets des petites bibliothèques et il enferme les abonnés dans l’achat de bouquets au détriment d’autres ressources (bases de données, autres revues, ouvrages, etc.). Le manque de transparence des big deals, qui intègrent dans leur contrat une clause de non-divulgation d’information, est de plus en plus dénoncé dans le monde académique soucieux d’une gestion propre des fonds publics alloués à la recherche.

Les big deals étaient originellement un moyen simple d’accéder à une collection de revues avec rabais. Ils se sont transformés en accords restrictifs pour les bibliothèques.